vendredi 27 janvier 2017

Droit de réponse à Sonia Combe

Rédacteur  : Bruno Galland, conservateur général du patrimoine, directeur d'archives départementales. 

Il y a vingt-deux ans, en publiant Archives interdites, Sonia Combe jetait un pavé dans la mare. En faisant porter aux archivistes la responsabilité des difficultés d’accès à certains fonds de la Seconde guerre mondiale, elle commettait une profonde injustice, mais au moins contribuait-elle à mieux faire connaître les difficultés que subissaient alors les Archives de France et, singulièrement, les Archives nationales. A ce pamphlet ont heureusement succédé des initiatives concrètes – auxquelles Sonia Combe s’est bien gardé de participer - qui ont permis, en particulier, l’ouverture du nouveau site des Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine, la mise en place d’un système d’information performant et une revalorisation des archives contemporaines, parallèlement à une réécriture de la loi et à une série de textes en faveur de l’ouverture (le dernier en date étant le décret de 2015 ouvrant au public les fonds des juridictions de l’Occupation et de la Libération).

Or, voici que le billet posté par Sonia Combe dénonce de nouveau le comportement des archivistes, accusés cette fois-ci de se prêter avec complaisance à l’écriture d’un « roman national » qui occulterait des pan entiers de la mémoire, faute de connaître suffisamment les enjeux de l’histoire contemporaine – et, plus fondamentalement, parce qu’ils appartiendraient à un milieu socio-culturel qui privilégie « Dieu, le roi, la France »...

Ainsi Sonia Combe concentre-t-elle ses attaques sur la « grande collecte » de documents relatifs aux relations entre l’Afrique et la France, une initiative de novembre 2016 qu’elle attribue aux Archives nationales (il n’en est rien) et qui serait, au fond, la preuve d’un colonialisme latent du milieu réactionnaire des archivistes. Plutôt que de répondre sur un si mauvais procès, faut-il lui rappeler qu’il y a quelques années les équipes scientifiques des Archives nationales se sont largement engagées contre le projet de « Maison de l’histoire de France » précisément parce qu’elles étaient très attentive à toute instrumentalisation de l’écriture de l’histoire ? une position qui a coûté son poste à la directrice des Archives nationales alors en fonction, Isabelle Neuschwander, mais qui a finalement conduit à ce qu’Aurélie Filipetti, à son arrivée rue de Valois, annule le projet. Mais, à ce moment-là, on n’a guère entendu Sonia Combe…

Sur le même plan, Sonia Combe prend prétexte des expositions récentes des Archives nationales consacrées au fichage policier et aux services secrets pour démontrer qu’elles participent de « l’occultation d’épisodes peu glorieux du passé national ». On suppose que c’est aussi le cas de l’exposition actuelle sur les procès des femmes – si tant est que Sonia Combe sache qu’elle a lieu. On croit rêver ! Comment peut-on citer de tels exemples pour reprocher aux archivistes de se désintéresser de l’histoire contemporaine et des nouveaux enjeux de la mémoire – sinon par une sorte d’obsession ?

Sur un plan plus anecdotique, en dénonçant le poids excessif du latin au concours d’entrée de l’école des chartes, Sonia Combe semble ignorer qu’il existe depuis près de quinze ans un concours de recrutement sans version latine qui représente une large partie des postes. De même, en déplorant la présence monopolistique des chartistes dans les services d’archives, au détriment des étudiants formés en master d’archivistique à l’université, elle semble ignorer que la plupart des effectifs des archives départementales et une large partie de ceux des Archives nationales sont précisément constitués par ces archivistes issus de l’Université.

Plus fondamentalement, comment ne pas s’étonner de cette assimilation grossière entre médiévistes et passéistes, latinistes et colonialistes… L’historiographie médiévale compte de nombreux esprits de toute orientation qui témoigne combien de tels schémas sont réducteurs.

Toutes ces erreurs, confusions et omissions ramènent l’article de Sonia Combe à ce qu’il est : une caricature grossière qui témoigne, de la part de son auteur, d’une incapacité à remettre en cause ses propres questionnements. Puis-je suggérer à Sonia Combe d’abandonner ses vieux dossiers et de renouveler sa dialectique ? Ça tombe bien, la prochaine grande collecte promue par le ministère de la Culture sera consacrée au rôle des femmes dans la société. Sonia Combe pourra en profiter pour confier ses archives aux Archives nationales…

Bruno GALLAND



Le texte de l'appel de la Grande collecte sur l'Afrique et la France au 19e et 20e" siècles sans référence au passé colonial avait surpris plusieurs membres du CVUH.  Rappelons que la plupart des membres du CVUH (dont Sonia Combe), ont été largement mobilisés contre la Maison de l'histoire de France. Cependant la question n'est pas celle de nos états de service respectifs, mais de la nécessité d'une réflexion plus générale sur la façon dont l'institution des AN peut contribuer  à masquer en partie le passé ou tout simplement sélectionner ce qui doit être dit ou vu.



Sonia Combe

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